Interview : Guillaume Lebigot, l’auteur de Blind Spot

Blind Spot est un light novel français que j’ai critiqué à 3 occasions sur ce site et que je n’ai pas manqué d’apprécier. Vous avez ici l’interview de son auteur qui a bien voulu m’accorder un peu de son temps libre pour vous partager ses ressentis et se présenter plus amplement à celui qui ne le connaitrait pas.

Si vous ne connaissez pas Blind Spot je vous conseille de vous tourner vers la chronique du 1er tome en espérant que vous serez conquis et avec l’envie d’acheter les 3 tomes de la série. Si ce n’est pas le cas ne fuyez pas cette interview car Guillaume Lebigot alias AxelTerizaki n’est pas l’homme d’une seule œuvre et si vous êtes légèrement familier avec le monde français de la japanimation, vous découvrirez ici le portrait d’une de ses grandes figures. Si vous êtes prêt pour la lecture, suivez-moi, vous ne serez pas déçu.

Si vous deviez vous présenter rapidement ?

Je suis Guillaume Lebigot, plus connu sur internet sous le pseudonyme d’Axel Terizaki, avec lequel je publie et participe régulièrement depuis maintenant plus de 15 ans. Je suis passionné de jeu vidéo (particulièrement de son Histoire avec un grand H) ainsi que de la culture japonaise au sens le plus large. Je travaille actuellement pour l’administration française mais je ne peux pas trop en parler malheureusement. Un boulot qui mine de rien prend du temps surtout occupe l’esprit, ce qui fait que je ne passe pas autant de temps que j’aimerais à écrire.

A part ça je participe également en tant que vice-président à l’association Brigade SOS Francophone (que j’ai co-fondé) qui aujourd’hui se recentre sur les activités en convention et plus particulièrement l’organisation de concours de cosplay.

Qu’est-ce qui vous a motivé à prendre la plume et plus spécifiquement Blind Spot ?

Il y a eu plusieurs déclencheurs. Déjà parce que je rêvais de pouvoir écrire de nouveau. Entre 2000 et 2006, après avoir arrêté les fan-fictions Evangelion, j’avais commencé à publier une fan-fiction sur Love Hina que je n’ai jamais terminée. Et mon gros problème c’est que je ne peux pas travailler sans déclic. Se forcer est absent de mon vocabulaire. Sur toutes les séries que j’ai regardées durant cette période je n’ai pas réellement eu ce sursaut d’imagination qui me fasse me dire “Je dois écrire ça.”

Et puis vint 2006. Je fais mon premier voyage au Japon en compagnie de Darksoul, un cher ami qui aujourd’hui vit là-bas. Nous adorons échanger vivement sur des idées de scénarios ou des théories fumeuses autour des animés que nous regardons. Mais cette fois, en me baladant dans les rues de Tokyo, j’ai eu une simple pensée.

Comment ferait un malvoyant comme moi dans cette ville ?

Puis j’ai commencé à observer de plus près un peu tout : les feux, les sons, les marques au sol,.. Puis j’ai imaginé ce personnage d’Ayako, cette lycéenne malvoyante. J’ai commencé à poser des questions autour de moi, sur comment les handicapés sont intégrés dans les écoles japonaises, quels aménagements sont faits, bref, un vrai petit travail de recherche. Et plus je creusais, plus des idées me venaient à l’esprit pour imaginer la vie de cette jeune fille.

J’aime assez les défis, et avec Blind Spot j’en avais un certain nombre à relever :

  • Faire une histoire originale cohérente et non une fanfic.
  • Écrire à la première personne du point de vue d’une jeune fille.
  • Inventer des personnages.
  • Parler d’un pays que je connais bien mais où je ne vis pas.

Tout ça m’a bien motivé à commencer !

Qui est Saeko Doyle pour vous, comment l’avez-vous rencontré ? Que pensez-vous de son travail sur Blind Spot ?

En fait nous nous connaissions de loin depuis très longtemps. C’est mon éditrice, Rosalys, qui nous a mis en relation. En travaillant avec elle et en apprenant à nous connaître, nous sommes devenus amis. Il y avait une bonne synchronisation entre nous, car nous aimions à peu de choses près les mêmes animés et mangas, et du coup nous avons pu facilement échanger sur Blind Spot. Du coup, elle voyait très bien ce que je voulais décrire, et ce qu’elle dessinait correspondait à chaque fois à mes attentes.

Comment avez-vous crée et choisi le personnage principal, Ayako Suzumiya ? Des anecdotes et détails sur son entourage ?

J’ai répondu en partie un peu plus haut, mais pour élaborer un peu, disons que je voulais une héroïne qui sorte de l’ordinaire. Une jeune fille normale, avec ses défauts et ses qualités. Le but n’était pas qu’on s’identifie à elle mais qu’on la comprenne.

Au niveau des anecdotes, il faut savoir que c’est Rosalys qui a fait les premiers chara-design des personnages, et sa première version d’Ayako était… très différente. Cela était dû en partie à la Ayako du chapitre 1 qui peut paraître un peu aigrie au premier abord. Elle avait les cheveux mi-longs, un peu bouclés… bref, elle était très différente de la Ayako finale. Shizuka Makihara, l’une des amies d’Ayako, avait aussi sur les premiers designs des cheveux courts, avant qu’ils ne soient un peu rallongés.

Pourquoi avoir fait le choix d’associer le thème du doublage, du japon et de la malvoyance ?

Parce que ce sont des thèmes que je maîtrise ou tout du moins pense maîtriser ! J’ai une passion pour le doublage, et j’ai longtemps tenté d’imaginer quel travail une japonaise malvoyante pouvait exercer. L’idée du doublage est donc arrivée assez naturellement et j’ai décidé d’en faire un thème à partir du tome 2, où Ayako réalise que c’est ce qu’elle veut faire plus tard.

En ce qui concerne le Japon, si j’avais écrit ça d’un point de vue de lycéenne française, ça aurait perdu son charme, non ?

Avant d’être un livre, Blind Spot était publié sur votre blog à la disposition de tous. A quel point était-ce utile et intéressant ?

Niveau utilité cela permettait d’avoir des retours et des commentaires des lecteurs. Blind Spot était aussi publié sur d’autres canaux comme Fiction Press et le newsgroup (ancêtre des Forums) rec.arts.anime.creative. En multipliant les canaux, on attire forcément plus de lecteurs, même s’il est toujours difficile de savoir combien de personnes ont lu l’histoire. Avec des chiffres de vente, c’est déjà plus simple.

Après, partager publiquement l’histoire dans un premier temps permet de jauger l’intérêt et de revoir certains points après les retours. Entre la version “gratuite” de Blind Spot et la version “payante” sur papier, beaucoup de choses ont été modifiées.

Combien de temps et de travail a représenté Blind Spot depuis sa création ?

En nombre d’années ça aura fait 8 ans, mais en vrai il y a eu un grand hiatus dès 2009 quand l’association Brigade SOS Francophone a vu le jour. Je n’avais finalement repris l’écriture qu’en 2013, soit un an avant, et pendant cette année qui nous séparait encore de sa publication, j’ai écrit cinq chapitres tout en corrigeant les huit autres. C’était assez sport.

Pour ce qui est du travail réalisé, il y a bien sur l’écriture, mais aussi les corrections, où on peut facilement passer une heure trente sur une scène à tourner et retourner les phrases. Il y a également toute une phase de recherche, comme par exemple sur le quartier où vit l’héroïne, quelle distance la sépare de la gare, quel train doit-elle prendre, quels sont les combinis qu’elle a sur le chemin du retour, comment fonctionne le système scolaire… Il peut parfois s’agir de questions saugrenues et peu importantes, mais elles contribuent énormément au récit.

Pour tout le tome 3, principalement axé sur le doublage, j’ai pu rencontrer des doubleurs professionnels, un manager et un directeur d’agence avec qui j’ai beaucoup échangé. Ce fut particulièrement enrichissant et plein de jolies rencontres. On a fait pleins de plans sur la comète en ce moment, et si seulement je n’avais pas un travail à côté, j’aurais pu les pousser un peu.

Si vous deviez formuler en quelques mots le message derrière Blind Spot ?

Vivez votre passion à fond et dans l’instant présent !

Pourquoi un light novel plutôt qu’un roman ?

Après avoir lu les romans de Haruhi Suzumiya, j’ai été séduit par le format et le dynamisme du récit. Je ne lisais que très peu de romans à l’époque, et les light novels m’ont paru être beaucoup plus simple d’accès. Dans ma tête, les light novels étaient aux romans ce que les mangas étaient à la bande dessinée. Du coup, cela me semblait plus naturel de présenter BS comme un light novel à part entière.

Que pensez-vous des Éditions Univers-partagés ? Et pourquoi les avoir choisi ?

Ce sont plutôt eux qui m’ont choisi ! Un auteur n’a pas vraiment le loisir de choisir son éditeur malheureusement. C’est une très petite maison d’édition associative, et sa taille m’a permis de travailler sereinement sur Blind Spot sur sa fin, notamment parce que je savais que l’œuvre était entre de bonnes mains. La relation entre un auteur et son éditeur est avant tout basée sur la confiance, et à ce niveau, je n’ai rien à reprocher à Univers Partagés. Rien du tout même.

Qu’a pu vous apporter ce light novel en tant qu’auteur et personne ?

Un premier roman est toujours quelque chose d’important. C’est ma première création publiée de façon professionnelle, ça fait donc chaud au cœur évidemment. On est fier, on a envie de faire lire l’histoire à tout le monde…

D’un point de vue plus “pro”, cela m’a surtout appris tous les us et coutumes de la parution d’un roman, de la gestion des stocks, de l’impression, les relations avec les éditeurs, les contrats, mais aussi et surtout les contraintes de mise en page d’un roman français.

Que pensez-vous de la popularité actuelle de Blind Spot ?

C’est une petite histoire, il ne faut pas l’oublier. Je ne peux pas décemment prétendre que Blind Spot est populaire, mais il a son petit public, et c’est faire plaisir à ce public qui me plait le plus.

On dit bien qu’on mesure la popularité d’une œuvre à son nombre de dojinshi parus au Comiket. Le jour où il y en aura (ça et des fanarts) sur Blind Spot, on pourra en reparler

Pouvez-vous vivre des recettes de votre livre ?

Hélas. Sans trop spoiler, un auteur touche un pourcentage à un seul chiffre sur la vente d’un livre. Les seuls auteurs capables d’en vivre sont ceux qui produisent beaucoup et des best-sellers. Les autres ramassent les miettes.

Et tout ça c’est avant imposition, payé chaque année en droits d’auteurs… Disons qu’à la fin de l’année ça me fait un petit bonus non négligeable pour faire des cadeaux à mon entourage, mais pas plus.

Quels sont vos ambitions pour l’avenir de Blind Spot ?

Ah si je devais parler de tous les projets…!

Certains furent juste des idées, d’autres des rêves, d’autres un peu plus concrets mais pas encore.

  • Avec Saeko nous avions prévu un Guide Book. Une sorte de livret d’illustrations avec quelques infos techniques sur certains personnages, mais faute d’un bon alignement de planètes nous n’avons pas pu travailler dessus sérieusement.
  • Un projet plus concret est Hot Spot, un dojinshi hentai (interdit aux moins de 18 ans donc) autour de Blind Spot. J’ai écrit le scénario et Saeko s’est occupée du dessin.
  • Avec l’agence Atomic Monkey qui m’a aidé dans mes recherches sur le doublage, nous avions comme projet de réaliser un drama CD autour de Blind Spot. Malheureusement, habitant loin du Japon et ayant d’autres projets à gérer, ce n’était pas simple de donner corps à celui-ci.
  • J’ai aussi réfléchi à l’idée de faire une version visual novel de l’histoire. Saeko avait déjà dessiné quelques sprites des personnages, mais encore une fois, il y avait beaucoup trop de paramètres à prendre en compte pour en faire un visual novel vendable.
  • La traduction anglaise a été réalisée par mes soins et retouchée par un ami canadien anglophone. Aujourd’hui je suis à la recherche d’un éditeur anglophone. Malheureusement ce genre de recherches prend beaucoup de temps.
  • Enfin, si au début je souhaitais le faire traduire en japonais, le coût d’un tel projet était totalement hors de ma portée. Par conséquent, j’ai opté pour d’autres moyens de faire connaître l’histoire. J’ai par exemple un contact qui est intéressée par adapter Blind Spot au format manga. Je ne peux pas encore affirmer si ça se fera et quand, mais c’est en projet !

Qu’est-ce qu’Eternity ?

Eternity est ma toute nouvelle œuvre. Il s’agit d’une histoire type light novel comme le fut Blind Spot, mais baignée de science-fiction, romance, et bien sûr avec la même légèreté que mes autres récits. Le tout est illustré par Sedeto !

On y suit les aventures de Jin et Haruka, deux adultes qui s’aiment et qui vont emménager ensemble. Sauf que lors de leur premier soir sous leur nouveau toit, une mystérieuse jeune fille va frapper à leur porte. Elle cherche Haruka, mais s’écroule aussitôt qu’elle a confirmé qu’Haruka était bien là.

J’ai voulu écrire une histoire avec des éléments que j’apprécie, dans un monde à peu près normal où il se passe quand même quelque chose d’assez surprenant que je ne vais pas spoiler pour les lecteurs. Sachant que j’ai beaucoup aimé des œuvres comme Mahoromatic ou Onegai Teacher, cela devrait vous donner une petite idée du genre d’ambiance que j’essaye de véhiculer.

Eternity est lisible gratuitement sur son site web, alors n’hésitez pas à venir me dire ce que vous en aurez pensé sitôt cette interview terminée !

Que pensez-vous de l’arrivée des LN en France depuis Suzumiya Haruhi jusqu’à aujourd’hui ?

Heureusement qu’Ofelbe est là ?

Plus sérieusement, je suis admiratif devant leur passion pour faire arriver des light novels en France. Ils avaient de bonnes cartes en main et ils les ont bien utilisées en sortant SAO pendant qu’il était encore populaire. J’ai hâte de lire leurs prochaines sorties et j’espère qu’ils nous feront profiter de nouveaux LN encore. Je suis on ne peut plus ravi après l’échec de Haruhi en France.

Y-a-t-il des LN que vous aimeriez voir arriver en France ?

Même si ce n’est pas exactement un LN, j’aimerais voir arriver les romans de Slayers qui est un univers que j’aime particulièrement. No Game No Life, Sound Euphonium… mais aussi de nombreuses séries dont on a eu que l’animé en France, ne serait-ce que pour connaître la suite !

Que regardez-vous/lisez-vous en ce moment ?

Je suis des animés de la saison actuelle tels que Gundam Iron Blooded Orphans, Erased et GATE. Je lis le visual novel du Fruit de la Grisaia dont je suis très fan (je vais entamer la route de Sachi Komine). En manga, je profite d’être de bonne humeur pour lire doucement Bonne nuit Pun-Pun et les mangas que je suis quand ils sortent (Silent Voice, Nisekoi, etc.)

Qu’est-ce que Meido-Rando pour vous ?

C’est mon blog. Et un blog c’est un espace d’expression personnel. C’est l’endroit où je poste des articles quand j’ai envie d’y écrire quelque chose. C’est donc l’endroit idéal pour parler de mes projets mais aussi des choses qui me passionnent.

Même question pour la Brigade SOS Francophone et Twilight ?

La Brigade est une association qui m’a permis de m’épanouir et de me faire de nombreux amis qui aujourd’hui me sont très chers. C’est bien sûr un peu mon bébé aussi, mais ça, beaucoup l’auront probablement déjà compris. Je suis très fier de ce que l’association a accompli jusqu’ici. Elle a aussi permis à de nombreuses personnes à se connaître et ça, c’est déjà une chouette victoire en soi dans une communauté (la communauté otaku) assez renfermée en général.

Twilight est juste un serveur dédié qui héberge plusieurs communautés et sites web autour de l’otaku-sphere, rien de plus. Je m’en occupe avec l’aide de quelques personnes. Contrairement à ce que beaucoup de gens pense il n’a rien à voir avec le livre à succès sur des vampires qui brillent. Twilight est une chanson de Electronic Light Orchestra, qui a servi de bande son au clip d’ouverture de la convention Daicon IV au Japon dans les années 80, et animée par la Gainax.

Un conseil pour celui qui voudrait se lancer à l’écriture d’un light novel français ?

J’ai écrit une section sur ça sur le site de Eternity : http://eternity.nanami.fr/making-of/

Mais le conseil le plus important c’est de ne pas faire ça tout seul mais de s’entourer d’autres personnes et de demander conseil à celles-ci à intervalles réguliers. Connaître leurs avis et leurs idées est réellement important.

Parce que Vaikarona oblige et parce que vous êtes vous-même blogueur, une opinion sur ce qu’est actuellement la sphère otaku critique française ?

“C’est de la merde ! C’était mieux à vent (et à vapeur) !”

Plus sérieusement, je ne lis plus beaucoup de blogs. Beaucoup sont morts au profit de Twitter et Tumblr. L’envie d’écrire de longs textes a disparu et je pense que les blogs sont en lente voie de disparition, même s’il restera toujours des gens pour écrire de vrais articles.

Je dis ça mais en même temps depuis Twitter j’écris moins aussi alors hein, je vais jeter la pierre à personne. J’en avais assez parlé déjà lors de l’article anniversaire des 10 ans de Meido-Rando.

Pour finir, voudriez-vous rajouter quelque chose, laisser un message à quelqu’un en particulier ou à quiconque lira cette interview ?

Je félicite les lecteurs de Vaikarona d’être arrivés aussi loin dans cette interview Merci d’avoir lu jusqu’ici, et j’espère vous voir sur ma timeline twitter et lire vos commentaires sur Eternity et Blind Spot !

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