Sanctum : Parler de religions avec des jolis dessins

Article publié initialement le 27 Aout 2015

Sanctum, Lakia, Raqiya, Rakia : Shin Mokushiroku. Choisissez votre titre, il y en a pour tout le monde. Tous ces noms désignent pourtant la même œuvre, celle de Boichi (illustrateur) et de Masao Yajima (scénariste). Manga en 5 tomes pré-publié depuis 2008 dans le magazine Morning (Kodansha), il est disponible et terminé en France chez Glénat.

Luna ne se souvient de rien. Il y a 7 ans, elle a fait un pacte avec un mystérieux démon pour ressusciter sa famille morte dans un accident au milieu du désert du Nevada. Aujourd’hui Luna vit comme s’il ne s’était rien passé mais ne va pas tarder à subir les conséquences de ce pacte, l’impliquant elle, son entourage mais peut-être aussi le monde entier.

Raqiya a pour thème le christianisme et en particulier un de ses courants de pensées, le gnose, s’intéressant à l‘Evangile de Thomas. Les évangiles rassemblent les récits et témoignages sur la vie de Jésus. La majorité sont présents dans la Bible mais il y en a comme celui selon Thomas qui n’y figurent pas. Sanctum se base sur cet évangile et raconte l’histoire de ses croyants de nos jours.

On se retrouve donc dans un monde ou un courant gnose fort cherche à affirmer la supériorité de cet évangile sur ceux de la chrétienté. Mais ce n’est pas tout, Yajima s’inspire aussi de références modernes comme la Zone 51 et le New Age. Cela donne un contexte  assez intéressant et original ; illustré brillamment par Boichi.

Au cours du premier tome Luna va subir une série d’évènements liés à son pacte avec Abraxas, le démon (aux allures de femme nue parce que voila) mais va réussir à s’en sortir grâce à ses amis Issa et Toshiya. Liés par une amitié ambiguë, nos deux protagonistes lycéens soutiennent notre héroïne du mieux qu’ils le peuvent. Mais attention, ne vous attendez pas ici à l’habituel triangle amoureux biscornu. Les liens qui retiennent nos personnages ensembles ne sont pas des plus évidents et les péripéties qu’ils subissent sont loin de les aider à rester unis.

Le manga se suit comme un ensemble d’intrigues tournant toutes autour de Luna. Ces intrigues concernent Toshiya et Issa mais également le père de ce dernier, le président d’une firme multinationale, le Vatican et son organisation secrète,… On découvre les ambitions et les problèmes de chacun d’eux tandis que Luna est aux prises avec le dilemme que lui tends Abraxas : trouver 12 offrandes en échange du pacte qu’elle a fait pour ressusciter sa famille il y a 7 ans.  Et c’est cette situation problématique qui génère toute la tension du récit : parmi tous les personnages charismatiques et drôles du récit, certains d’entre eux vont peut-être devenir l’un de ces sacrifices contre leur gré.

Et comme si cela ne suffisait pas Luna va devenir la proie de plusieurs groupes (dont ceux cités auparavant). Les desseins d’Abraxas sont connus de nombreuses personnes et lorsque le lien sera établi entre elle et le démon, vous pouvez vous assurer de voir le monde entier se déchirer pour retrouver notre héroïne.

Le problème avec l’histoire de Sanctum c’est qu’elle n’est au final pas si prenante que ça. On ne s’attache que très peu aux personnages et à leurs enjeux et c’est dû en parti à ce ton comique qui atterrit maladroitement à des moments ou on s’en serait bien dispensé et qui disparait là ou on en aurait bien voulu. Issa qui en est la principale figure perd toute crédibilité. Résultat : quand les choses deviennent sérieuses pour lui, on le suit d’un air douteux. Les grandes autorités comme le Président Nitobe et le Pape sont tournés au ridicule. Toshiya passe les 3 quarts de l’histoire sous un autre dilemme : Suivre les ordres de son père et tuer son amie ou se rebeller ? A l’inverse Luna devient devient de plus en difficile à suivre et au final ma pensée la plus positive reste pour le père d’Issa, un personnage entièrement ridicule du début jusqu’à la fin et qui m’aura fait rire à chaque fois.

Les péripéties s’enchaînent et on attend avec impatience la fin car Sanctum est le genre d’œuvre ou l’appréciation globale de l’histoire dépend en grande partie de sa fin. Et c’est raté. Le volume 5 est proche du désastre. Les personnages deviennent insupportables et leurs propos insensés et ridicules. Issa qui était jusqu’à alors le comique du groupe par excellence occupe un rôle beaucoup trop important pour ses épaules et on voudrait volontiers le faire disparaitre discrètement sans que personne ne s’en aperçoive.

Heureusement Boichi est là. Je ne compte pas le temps que j’ai pu passer à admirer le détail de certaines pages. Si comme moi la seule chose que vous ne supportez pas chez l’illustrateur est son amour démesuré pour les talons-échasses et le visage de ses demoiselles ; vous apprécierez sans fin tout le reste. On sent que lui et ses assistants se sont amusés tout le long aussi bien avec des angles de vue improbables que des villes rigoureusement bien dessinés. Écrire une dizaine d’articles à complimenter le style de Boichi, ses personnages charismatiques ou son gout pour l’exagération ne serait vraiment pas un problème.

Je pourrais faire à l’histoire de Sanctum le même reproche qu’à celle de Redline. C’est de servir de vitrines au talent de leurs illustrateurs/animateurs. Pourtant Masao Yajima a fourni un bon travail. Son utilisation de la religion chrétienne est beaucoup plus intelligente que celle faite par des œuvres comme High School DXD ou la série des To Aru. L’histoire et ses personnages sont loin d’être mauvais mais ils n’évoluent pas de la meilleure des manières. Boichi est celui qui brille le plus par la personnalité qu’il influe à ses dessins et ses mises en scènes extraordinaires et l’histoire devient un prétexte pour voir ce dernier exercer son talent autant que possible.

Conseillerais-je Sanctum ? Oui. Glénat a fourni un très bon travail, les couvertures sont superbes et honorent très bien le dessin de celui que j’ai déjà nommé une bonne dizaine de fois depuis le début de la critique. N’oubliez pas de lire les dossiers de fin car ils aideront grandement votre compréhension de l’œuvre mais aussi pour votre culture. Ils ont également servi généreusement à la rédaction de cette critique et ce n’est pas pour rien, ils sont compréhensibles pour quiconque sans pour autant faire dans l’abstrait (si je pouvais saisir le nom de celui qui s’en est occupé pour les remercier…).

Bien que l’histoire ne puisse pas plaire à tout le monde, Sanctum aura permi à Boichi d’illustrer la destruction de villes pas très connues (quelques capitales, rien de plus,…), des scènes d’action dynamiques, une héroïne magnifique, un pseudo Kitano Ken, une démone séduisante et maléfique et un salaryman particulièrement heureux.

Plus d’informations sur Sanctum :

 

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