After the Dark, c’est l’intention qui compte ?

Un jeune couple est étendu sur un lit et éprouvent leur amour dans un échange charnel. Des couleurs chaudes, un teint brun, une chambre immense et un charmant jardin : un côté exotique et “rêveur” saupoudre la scène quitte à saturer l’image.

Bienvenue à Jakarta, dans ce qui semble être un cours de philosophie où nous retrouvons les deux étudiants que nous venions de voir nus, s’échanger des regards complices d’un air bête. Une classe d’une vingtaine de personnes fait face à un professeur décontracté dans ce qui semble être le dernier cours de l’année. Le soleil inonde la salle depuis les fenêtres grandes ouvertes, les chemises sont déboutonnées, les tenues légères et j’en passe : bienvenue à clichéland.

C’est dans ce décor somptueusement artificiel que les élèves et le professeur s’échangent des piques et des vannes avec humour et philosophie. Non, je ne rigole pas, des étudiants participent et renchérissent en citant tantôt Platon, tantôt Rousseau. Mais ne tardons pas, pendant que nous découvrons les différents personnages clichés, le professeur (ou Mr. Zimit) lance le sujet du cours : une expérience de pensée dans un monde apocalyptique.

Autrement dit : Que feriez-vous pour survivre à l’apocalypse avec pour seuls camarades les personnes présentes dans cette salle ?

L’idée n’est pas très compliquée mais a plusieurs prérequis :

  • Pour survivre, il faut se réfugier dans un bunker durant toute une année.
  • Ce bunker n’a que 10 places.
  • Chaque élève se voit assigné un métier au hasard par le professeur.
  • Les participants doivent pouvoir procréer, préparer demain et survivre ensemble dans des conditions humaines.

L’aspect le plus intéressant de cette expérience de pensée est sans conteste le choix immoral que doivent faire les étudiants dès le début. Les élèves ne peuvent pas tous rentrer dans le bunker et il s’agit de choisir quelles personnes et quels métiers sont utiles et intéressants dans ce contexte si précis de cataclysme ? Doit-on préférer un agriculteur ou un poète ? Un ingénieur électricien ou une chanteuse d’opéra ? Il devient logique ici de préférer le médecin au harpiste.

Mais il n’y a pas qu’une expérience de pensée et les 2 suivantes du film incluent d’autres paramètres comme notamment la santé, les sentiments ou les préférences sexuelles de certains. Être gay ou stérile devient alors un critère d’exclusion. Outre ceci, le professeur est la plus grande inconnue mais aussi l’adversaire des élèves : le “joker” comme il aime s’appeler et celui qui dispose d’une qualité mystère qui ne sera connu que s’il est choisi.

En réalité dans ce dernier élément on trouve déjà l’une des premières faiblesses du film. Il est bien entendu évident que le film ne peut pas être qu’une expérience de pensée (d’où la scène de sexe du début) mais présente aussi un certain nombre de relations conflictuelles basées sur les caractères de chacun. Il faut donc faire avec un professeur légèrement je-m’en-foutiste et immoral, un garçon qui passe pour l’abruti et pervers de la classe ou une fille trop intelligente, trop parfaite pour cette expérience qu’elle rejette comme stupide.

Et au final, elle n’a peut-être pas tant tort que ça. Car si l’idée de faire vivre une expérience de pensée dans un film parait bonne, After the Dark n’est cependant pas innovant. On reste assez proche de scénarios déjà vus comme l’attaque de zombie, la tempête dévastatrice ou l’invasion extraterrestre. Des histoires qui nous confrontent régulièrement à des choix douteux que l’on ne ferait pas d’ordinaire.

Ce qui fait ainsi l’originalité du film c’est la présence de discours pompeux et non philosophiques, de citations indésirables sans intérêt et de réflexions à 2 balles qui se retrouvent mêlés aux quelques incohérences et stupidités de l’histoire. Notamment le fait que son statut de joker disparaisse dès la 2nd expérience de pensée sous prétexte que les élèves l’on découvert durant la 1re expérience de pensée : Faudrait-il alors comprendre qu’il y a une suite logique entre la guerre nucléaire de la 1re expérience et le cataclysme de la seconde ?

Le réalisateur, John Huddles, n’est surement pas parti d’une mauvaise idée. Je trouverais génial que l’on puisse faire plus régulièrement des expériences de ce genre en philosophie. Cependant il faudrait encore que ce ne soit pas un prétexte à du drama ou à de la philosophie de comptoir (d’où vient cette formidable expression ?). Ce qui est malheureusement le cas de ce film et en particulier la 3e expérience de pensée, qui mélange bonnes intentions et bêtise contagieuse.

Enfin si je vous parle de ce film, ce n’est pas pour vanter la lumière dégueulasse, la CG qui alterne entre oubliable et correct ou de la musique tantôt étrange, tantôt appréciable. Ce n’est pas non plus pour vous parler du jeu d’acteur douteux de certains ou du doublage français raté. Si le film a voulu se donner les moyens de rendre un cours de philosophie passionnant et exotique, je trouve dommageable qu’il donne plutôt l’impression que ce n’est qu’en philosophie qu’on peut avoir des réflexions à la fois poussées et bancales.

Bien entendu ce n’est pas le cas, n’importe quel film peut amener à la réflexion, nous confronter à des choix plus ou moins moraux et nous faire philosopher. Et c’est sans doute pour cela qu’After the Dark ne se démarque pas tant que ça d’un banal film catastrophe. On a déjà vu les dilemmes moraux du film ailleurs, on a déjà vu des personnages mieux travaillés et plus intelligents. Le réel problème du film est de ne pas avoir su usé jusqu’à la moelle du concept d’expérience de pensée, à savoir d’histoires complètement malléables qui n’ont pas pour devoir d’être réalistes mais seulement cohérentes afin que ce soit de véritables exercices ludiques à la fois logiques et moraux.

Bref, je m’en remets maintenant à vous. Y-a-t-il des films “catastrophe” qui vous ont marqué par leurs réflexions ? Qui vous ont fait réfléchir, que ce soit en mal ou bien, qui ont provoqué une réaction de dégoût ou qui vous ont fait dire : “Ça c’est ce que je ferai dans ce cas-là.” ? Si c’est le cas, laissez un commentaire et indiquez-le. Si parler d’une daube peut permettre d’amener à regarder de bonnes choses ensuite, ce sera toujours ça de gagné. Merci enfin à cette personne qui m’a conseillé ce film en bien et qui paradoxalement est aussi comme moi un élève de philosophie.

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