Le fanservice et les pervers cultivés

Depuis plusieurs mois, j’ai développé une petite aversion pour le terme fanservice. Alors que j’aurais été le premier à l’accepter dans des séries coquines comme To-Love Ru, Love Hina et autres vieux bails, j’ai commencé à m’agacer chaque fois que j’en voyais et même chaque fois que le mot était utilisé quelque part. Du coup, je me suis demandé si j’étais en train de me transformer en un vieux rageux. Malheureusement je ne sais pas, je vous laisse y répondre mais je me suis fait une idée un peu plus précise de ce qui m’agace dans le fanservice. Je crois qu’en réalité je ne serai jamais capable de déterminer ce qu’est du fanservice.

Couramment, on désigne par fanservice cette exposition surabondante de la chair visant à exciter la libido du spectateur et l’inviter à rester pour plus de plaisir. On pense par exemple aux plans coquins de Fate, Your Name ou encore Cautious Hero. Beaucoup de sites s’accordent comme Manga-News pour souligner le caractère sexuel ou érotique du fanservice comme un mal… ou une bénédiction. Il y a même un site, Fapservice qui prétend rassembler de manière hebdomadaire l’érotisme voguant dans toute l’industrie japonaise.

Le fan service (ファンサービス, fan sābisu?) (ou fanservice, abrev. fanserv) est une pratique qui consiste à alimenter la passion des fans et leurs fantasmes avec des contenus digressifs ou superflus qui leur sont spécialement destinées, généralement par le biais de situations à forte connotation sexuelle ou érotique.

Wikipedia

L’expression désigne aussi l’intégration sauvage de personnages ou de musiques pour éveiller de la nostalgie. Exemple, la réapparition d’anciens personnages dans One Piece ou l’utilisation des premières musiques dans le dernier film Naruto après 13 ans de diffusion. Dans d’autres cas on parle de toutes les références en surabondance contenues dans une œuvre pour exciter l’orgueil du spectateur et qui vont fournir un sentiment de familiarité ou de niche comme dans Lucky Star, Promare ou Gintama : avec des références à un pan de culture ou au studio produisant l’œuvre. Et sur le même modèle, il y a des sites comme Tvtropes qui font l’exemplaire des tropes et références qui parcourent la culture.

Boruto & Naruto

Quand l’un fait appel aux plus bas instincts de l’homme (souvent au masculin), l’autre s’adresse à la fibre du fan, du passionné qui fera jouer sa culture ou sa mémoire pour développer de l’attachement pour une œuvre.

Le fanservice érotique est souvent critiqué comme le caprice d’un réalisateur ou d’un auteur pervers qui met en image des fantasmes inavoués ou des situations qui l’amusent ; comme un outil pour vendre des goodies et accrocher les plus coquins d’entre nous. Le fanservice, disons “référentiel”, l’est parce qu’il relèverait d’une incompétence de l’auteur à faire un récit cohérent et frais sans dépendre d’un lore préétabli par son histoire ou par la culture environnante. Les deux sont accusés d’être d’une certaine gratuité, parce qu’ils épuisent la durée d’une œuvre par des éléments superflus ou parce qu’ils répondent à des objectifs impurs, financiers ou hors du médium.

Bon… Je ne peux pas parler au nom de tout le monde en disant que le fanservice est une aberration ou une heureuse chose . Non ? Il y a bien une part du “fanservice érotique” et du “fanservice référentiel” qui doit être préservé. Et pour ceci, la solution est très simple : bannir le fanservice.

Ce qui pose problème en réalité c’est le terme en lui-même : “fanservice”. Un service rendu aux fans ? Comme s’il était parfaitement possible de déterminer chaque fois la motivation du staff dans la production d’une scène ? Ça m’a un peu l’air d’oublier tous les aléas, décisions hasardeuses, limites budgétaires, physiques et mentales qui s’imposent sans que l’on sache dans la création d’une œuvre.

Inversement il y a l’idée du fanservice comme quelque chose qui par nature se remarque par le public et va l’inciter à poursuivre une œuvre bien que l’intrigue ne le demande pas particulièrement. Je crois plutôt que ce que remarque le public c’est de l’érotisme, des références et des tropes et c’est aussi ce que font Fapservice et Tvtropes ; parce qu’être un pervers ou un féru de culture n’est pas ni un bien ni un mal mais une évidence.

Ce qui choque en réalité dans la lecture ou le visionnage d’une œuvre ce sont les soucis de cohérence et les représentations erronées. C’est quand une histoire attaque notre crédulité : on ne peut plus accepter une histoire comme elle est parce qu’on en voit les failles. Il est normal du coup de s’énerver quand un moment épique est perturbé par des plans racoleurs ou quand un auteur représente des biais moralement inacceptables parce que sont les symptômes d’une mauvaise qualité d’écriture.

Éroder le terme permet à l’inverse de ne pas rejeter toute forme d’érotisme ou de référencement. Gintama n’est pas mauvais parce qu’il fait du référencement à outrance, c’est aussi ce qui le constitue et le rend si amusant. L’érotisme dans Grimgar invite aussi à comprendre l’intimité qui se noue entre les personnages. Jouer sur la nostalgie dans de longues licences comme One Piece ou Naruto c’est aussi une manière de souligner la cohérence d’une œuvre qui se répond continuellement.

Le fanservice est un de ces mots bonbons de la culture geek et otaku avec des termes comme manga, anime et justement otaku. Une culture élitiste sur les bords qui aime faire des emprunts lexicaux et du néologisme, les chouchouter et les user à outrance quand ils sont inutiles et induisent à davantage d’erreurs qu’autre chose. En 2020, il n’est, par exemple, toujours pas nécessaire de distinguer manga et bande dessinée à part pour parler du pays d’origine.

Le terme fanservice est une aberration parce qu’il invente une relation directe entre public et créateur : comme si une œuvre avait autant de valeur qu’un service de messagerie. Pourtant un auteur a beau avoir des messages à passer, il ne peut le faire au détriment de son histoire : Les passages d’une œuvre ont une valeur intrinsèque. Les scènes de viol mettent en scène des moments douloureux pour des protagonistes : ce ne sont pas des objets pour exciter le spectateur. Les douches et les salles de bains sont des lieux d’intimité, de remise en question et même parfois de meurtres.

Dire que je ne serai jamais capable de repérer du fanservice c’est aussi dire que je ne le veux pas. J’aime l’érotisme, les beaux et les belles gosses. J’aime le référencement à outrance, qu’on me caresse dans le sens du poil et que des œuvres continuent à me vendre du rêve. Le fanservice n’est qu’un terme absurde qui sert de fourre-tout et cache la seule chose véritablement intolérable : la mauvaise qualité.

Bibliographie

Illustrations : Panty & Stocking with gaterbelt // Fate Stay Night // To Love-Ru // Love Hina // Cautious Hero // Your Name // Hai to gensou no grimga r// One Piece // Dragon Ball Gintama

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