Pas de spoil. Promis.
Ma dernière obsession du moment était autour du festival de Cannes. Il avait été annoncé il y a peu que le prochain film de Mamoru Hosoda serait diffusé en avant-première mondiale lors de la Quinzaine des Réalisateurs le 16 Mai. J’ai beau vivre à 1h de train je n’en avais jamais entendu parlé et la japanime aura encore une fois été un joli prétexte pour m’intéresser à ce qui se fait autour de moi. Mon crush du réalisateur n’est pas l’habituel Ame & Yuki, c’est davantage Summer Wars et Digimon, et il y a de quoi expliquer mon obsession puisque pour tout membre du clan digimon, les films de Hosoda sont des merveilleuses machines à éveiller le fanboyisme.
Il y avait un certain nombre de choses que l’on pouvait se dire du film, que ce soit objectif ou juste pour se filer les chocottes. Mamoru Hosoda, du moins à mon gout, n’a pas accompli le défi de faire mieux que les Enfants Loups avec le Garçon et la Bête. C’est certes son film qui a le plus marché au box-office japonais mais ce n’est pas une œuvre qui laisse une trace indélébile. Alors qu’en serait-il avec Mirai ? D’autre part, c’est la deuxième fois avec le Garçon et la Bête que Hosoda se tente à l’écriture en solo (sans l’aide de Satoko Okudera) et vu ce que ça a donné sur le dernier, on a vite fait de se poser des questions. Autre blême : le sujet. Si on est habitué à des films tout public de sa part, en apprenant que le personnage principal est incarné par un enfant de 4 ans et que l’histoire s’inspire de ses propres enfants, il y avait de bonnes chances pour que le film s’adresse davantage aux enfants qu’à un autre public.
Et me voilà embarqué en l’excellente compagnie de Gackao, le résident de Hinotsu, dans une file d’attente composée de journalistes japonais, de consommateurs voraces des films de la Quinzaine, de quelques rares jeunes ou encore d’une foule d’accrédités pour des raisons diverses et variées dans le théâtre Le Croisette (820 places) du Casino Barrière à quelques pas du Palais des festivals. C’est seulement quelques secondes avant la projection qu’apparait le plus attendu des invités. Il répondra à une séance de Questions-Réponses mais à présent, il est temps pour lui de s’effacer à quelques sièges de l’écran pour laisser place à Mirai.
Le film s’ouvre sur une plongée aérienne vers la ville de Yokohama, une démonstration technique répétée à 2 reprises entre le court mais charmant générique interprété par Tatsuro Yamashita que l’on avait déjà entendu sur Summer Wars. L’histoire nous fait découvrir Kun, notre jeune garçon de 4 ans qui vit la naissance de sa sœur avec pas mal de jalousie.
Kun est une tête à claques. Il fait des bêtises pour se faire remarquer, il peut être bruyant et pleurnichard et peut dépasser les bornes à plusieurs reprises. Il ne serait pas étonnant qu’il vous irrite à quelques moments mais la manière dont Hosoda nous amène toujours à comprendre et partager ce qu’il ressent, le rend constamment adorable. D’autant plus ce sont aussi les moments ou l’on se détache de lui pour rire de sa bêtise qui font qu’il devient assez intéressant à suivre.
L’histoire tourne autour d’évènements fantastiques que va affronter Kun au sein de sa propre maison. Elle devient un théâtre dans lequel Kun se trouve nez à nez avec sa sœur Mirai du futur, son chien personnifié en prince maladroit et différents autres membres de sa famille. Les enjeux ne sont pas immenses, ces apparitions surviennent à des moments ou notre jeune garçon pique une crise (souvent de manière insolente). Notamment après avoir tapé sa sœur ou après avoir mis un désordre sans nom dans la demeure. Le jeu consiste alors à découvrir qui va faire parti des rêves éveillés du garçon et que va-t-il en tirer. Souvent courts, parfois poétiques et d’autres simplement drôles, ils s’accompagnent constamment d’une morale sans jamais que ce soit agaçant.
L’autre pan du film c’est cette maison ou Kun vit avec ses parents. On suit cette famille ou le père, architecte, a crée un cocon enviable constitué en paliers assez ouverts entre eux : la salle de jeux, le jardin qui la sépare du salon par des baies vitrées et les autres pièces davantage en hauteur. Mamoru Hosoda choisit à maintes reprises de jouer sur la forme particulière de la demeure dans des scènes tantôt dynamiques et des plans englobant quelques unes des différentes pièces : la maison semble ainsi avoir été pensé pour la communication et pour voir tous les membres de la famille d’un coup d’œil.
L’une des qualités les plus appréciables du film éradique littéralement l’un des doutes que j’avais. Le film s’adresse bien à tout le monde et le fait qu’il ait pu faire rire à de nombreuses reprises l’ensemble des spectateurs en est une belle preuve. On doit sans doute cela au fait que le film n’est jamais malveillant et ne prend jamais gratuitement le parti d’un des personnages. Dans cette histoire familiale on est autant à la place du père au foyer qui galère, la mère sévère et cool ou encore les frères et sœurs. La camera se pose dès que nécessaire à la taille des personnages et prend soin d’être là pour leurs soupirs respectifs.
Le film n’est bien sur pas parfait. L’introduction ultra dynamique laisse place à un récit linéaire ou s’enchaine sans surprises les rêves. Le dénouement, bien que beau, manque d’un sentiment d’accomplissement. Mirai se présente comme une histoire ou les enjeux sont ceux d’un petit garçon tout à fait normal mais ne parvient pas au final à conjuguer parfaitement la présence du fantastique dans cette normalité. On ne saura pas jusqu’au bout ce qu’étaient ces rêves mais la manière dont ils se glissent à l’écran et à Kun suggère que c’est le genre de choses que l’imagination pourrait produire d’elle-même. Ces envolés imaginaires que vit Kun l’emportent tantôt dans le fantastique, tantôt dans le futur et sinon dans le passé. Le tout jongle avec les moments devant les albums photos ou à table en parlant d’autrefois ou en fêtant la fête des filles et en évoquant le possible mariage de Mirai : le tout semble confirmer l’idée que Hosoda explicitera plus tard, après le film, que dans la famille tout est une histoire de boucles et de répétition.
En écoutant le réalisateur et en regardant son film, on observe un homme accompli. Le film fait de multiples références aux fétiches qu’il a développé au cours de ces années comme le Superflat qu’on retrouvait dans Digimon, les décors similaires à ceux du garçon et de la bête, le travail sur le temps plus complexe encore que dans la Traversée du temps, la métamorphose de Kun en chien qui rappelle celle de Ame & Yuki en loup.
Ce film est basé sur sa propre histoire et ses deux enfants. C’est le regard d’un père mais aussi d’un garçon qui aurait voulu avoir un membre fraternel. Il admet pendant les Questions-Réponses ne toujours pas comprendre ce que cela fait vraiment d’avoir un(e) frère/sœur. Bien qu’il s’agisse de son film le plus réaliste, c’est aussi un énième fantastique mais la raison pour lui est simple : le fantastique n’est pas qu’un genre en dehors du réalisme, il reflète la réalité. On remerciera Roberto n°1 qui a voulu que le réalisateur en personne lui dise ce qu’il avait fait comme films auparavant : va sur Wikipedia Roberto, tu connais ? Merci Roberto n°2 qui a osé poser la question qui fâche : Hosoda et Shinkai, les nouveaux Miyazaki ? Plus exactement il demandait si, après la fin de Ghibli et la mort de Takahata, Hosoda et Shinkai incarnaient le renouveau de l’animation japonaise. A cela, Hosoda lui répondit qu’il voyait l’animation comme un moyen de faire des films et que la génération qui suit et suivrait celle de Isao Takahata devrait prendre le relai de son travail cinématographique.
Savoir qui deviendra le “nouveau Miyazaki”, perpétuer des histoires de famille et les raconter ? A vous le loisir de réfléchir à ces questions, je m’en vais manger des konpeito. En attendant s’il y a bien une boucle que vous devriez répéter c’est bien celle qui consiste à regarder un nouveau film de Hosoda.
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