Kajiki Chef n’a pas besoin d’artifices pour attirer l’attention. Apte à vous rendre curieux au premier coup d’oeil, le manga bénéficie du trait de Sanami Suzuki aussi reconnaissable qu’élégant pour vous cueillir d’une traite. Son dessin est en plus au service d’un univers foisonnant faisant cotoyer un bestiaire fantastique et un japon féodal festif. Plus que tout, c’est l’usage d’une palette exceptionnelle de noirs qui donne à Kajiki Chef tout son charme. Ce travail de titan fait la part belle aux chasses aux monstres et aux somptueux repas mais m’invitent pourtant à me perdre bien loin de tout ça. Etonnement, j’accuse ma bizarrerie, Kajiki Chef m’évoque la vaisselle de Siropourlatoux.
Vous avez peut-être lu son article sur FMA : Brotherhood ou celui sur Gravity Rush mais il s’avère qu’en dehors de ses chouettes écrits, Siropourlatoux est aussi un agréable hôte. Et si on passe chacun moins de temps sur Vaikarona, notre amitié nous invite à partager régulièrement quelques repas ensemble. Surtout que manger permet de rester en vie alors qu’écrire non. Et du coup j’ai une pensée pour sa vaisselle qui se démarque par un noir à la frontière entre l’émo, la sobriété et le distingué.
Le choix d’une vaisselle crépusculaire peut donner un côté chic à vos repas, quelque chose de détonnant et remarquable. Une assiette de pâtes au beurre (l’huile d’olive c’est mieux) a tout de suite un charme inhabituel. Et que dire de ce met si rare et salvateur qu’est la fabrication maison du Siropourlatoux : le Katsudon Wish. Calfeutré dans la nuit, emmitouflé dans cette assiette creuse en verre noire. La BACKIG, 11€ chez IKEA, absorbe toute la lumière pour ne laisser jaillir que le Katsudon Wish dans toute son évidence.
On croirait l’assiette BACKIG fabriqué en grès, pourtant c’est bien un verre trempé et loin de tromper, sa réalisation confère une dureté et une confiance en son usage. De la même manière, le talent de Sanami Suzuki à jouer de la perspective, à multiplier les habits d’époque, à changer les registres de décor et à démultiplier les constructions de pages est l’assurance d’atouts solides pour donner à l’histoire toute une gamme d’expression possible. Celle d’un monde où des kajiki, des créatures aquatiques surplombent le ciel nippon et sont convoitées pour leur rareté et leur gout succulent. Notre héros, Toya s’est donné pour objectif de rendre son bras à Iza, arraché par un de ces monstres en lui faisant manger les dit-kajikis dont la dégustation recèle de pouvoirs dont celui de guérir.
Et a la manière de la BACKIG avec le Katsudon Wish, tout ce travail stylistique permet de faire ressortir la quintessence de son manga : une romance sucrée et sincère entre ses protagonistes qui ne manque pas de bons sentiments. Les preuves d’affections ne se comptent pas entre les repas qu’ils partagent, les regards sans cesse croisés et leur désir constant de se protéger mutuellement. On est souvent sur la corde raide des romances qui ne s’accomplissent pas mais les moments bourrées d’ambition ne manquent pas : on les croit vraiment partis pour un road trip amoureux pour tenir une cuisine à deux sans se soucier du monde.
Pourtant, au fur et à mesure que le récit prend de l’envergure on aurait aimé que le magnétisme amoureux résiste à ce monde si compliqué pour eux. Il y a tant de personages secondaires, de complots inutiles et de combats qui impliquent des tropes épuisants du genre. Il faut constamment dialoguer avec son arme, devenir plus fort, être dans une adversité interminable et risquer sa vie. Les faits d’armes du garçon prennent ainsi de l’envergure quand le caractère de jouvencelle de la fille s’aggrave. Les temps ensemble se raréfient et Iza, qui ne manquait pas de caractère à ses débuts se laisse étouffer par son rôle de princesse à secourir.
Cette faiblesse narrative s’est traduite en une conclusion précipitée. Quand le manga semblait s’écrire comme une série fleuve, le dernier arc fuse d’idées pour signer rapidement une fin grandiloquente mais hélas bien creuse. Les 43 chapitres n’en font ainsi pas une excellente série de bout en bout. Pourtant, je pourrais comparer la série aux couverts TILLAGD, 59€ chez IKEA. Ceux-ci apportent une magnifique continuité aux assiettes BACKI. Ils gravent, mordent et cueillent chaque bouchée comme des souvenirs impérissables en dépit de l’indigestion future. Kajiki Chef a beau pêcher dans son fil rouge, le titre n’en demeure pas moins une recommandation pour son efficacité à produire un cadre hors du commun et réconfortant autant grâce au style de Sanami Suzuki qu’à ses personnages haut-en-couleur, chacun forts à nous faire oublier qu’il ne s’agit que d’un manga en noir et blanc
Le succès d’IKEA à séduire le Siropourlatoux par une vaisselle dont le principal trait de distinction est le noir, nous rappelle la puissance qu’a cette couleur et comment un mangaka, en ayant une façon d’encrer ses pages si particulière, peut donner une foule d’atmosphères et de créatures bien uniques. On a envie de reprendre cette anecdote de Toriyama et de ses assistants qui n’en pouvaient plus de colorier en noir les cheveux de Goku mais avec plus de trente ans de technique et de numérisation, on se doute que le problème n’est peut-être plus le même. Pour autant, peu de mangakas oseraient aujourd’hui encore mettre autant de noir dans les sols, les chevelures, les habits et surtout pas des créatures d’une centaine de mètres nageant et se déployant dans le ciel. Kajiki Chef vaut le détour, alors ne manquez pas de déjeuner dans une vaisselle différente de temps en temps.
Si l’avoir lu ne vous satisfait pas ou ne vous suffit pas après l’avoir lu sur Mangaplus en anglais, Sanami Suzuki a été traduit en France chez Komikku sur un autre titre : la Petite Fille aux Allumettes, dans une version assez unique, a eu un petit succès dans notre contrée et attirera votre attention dès sa couverture.
Plus d’infos
- Lire Kajiki Chef sur MangaPlus
- Fiches : Anilist / MyAnimeList / Shonen Jump Plus
- La Petite Fille aux Allumettes : Manga-News / BubbleBD / MangaCollec
- Actu : Sanami Suzuki’s The Kajiki Chef: Divine Cuisine Manga Ends on April 29
Petit bonus, je vous laisse avec la recette du Katsudon Wish comme elle me l’a été transmise par mamie Siropourlatoux.
Le Katsudon Wish
Ingrédients :
- Riz Thai
- Poulet Pané
- Sauce Soja
Préparation :
- Faire revenir le poulet pané à la poêle
- Cuire le riz dans un vrai rice cooker
- Couper le poulet en fines lamelles
- Assaisonner avec la sauce soja